Réunion à l’initiative du Préfet de Landes concernant le vivre ensemble et la cohésion sociale : Contribution du MRAP des Landes

dimanche 8 mars 2015
par  mrap40
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Le 4 mars ; Le Préfet des Landes avait convié les associations, les adultes-relais, les représentants des services de l’Etat concernés, Inspecteur d’Académie et Directeur de la DDCSPP ainsi que ceux des collectivités territoriales à une réunion afin de réfléchir et analyser les conditions de l’action pour la cohésion sociale et le vivre ensemble suite aux graves événements du mois de janvier 2015.

Cette réunion s’inscrivait dans la continuité d’une rencontre nationale organisée par Monsieur Patrick Kanner, ministre de la Ville, de la Jeunesse et des Sports et Madame Myriam El Khomri secrétaire d’État chargée de la politique de la ville et réunissant une cinquantaine d’associations nationales.

Les thèmes proposés étaient les suivants, non exhaustifs.

  • Quels sont le rôle et place des associations dans la diffusion des idées républicaines.
  • Par quels moyens favoriser le sentiment d’appartenance à la communauté nationale ?
  • De quels moyens disposent les associations pour participer à la lutte contre les atteintes aux valeurs républicaines ?
  • Comment favoriser la compréhension et la diffusion du principe de laïcité ?
  • Quelles actions envisageriez-vous déjà éventuellement sur ces sujets.

Le MRAP des Landes qui reçoit le public dans sa permanence quotidienne et intervient dans les lieux de vie scolaires et péri-scolaires, avait répondu à l’invitation et adressé préalablement une contribution écrite.

Amina Belabdi-Bordes adulte-relais en fonction au MRAP, Gérard Kerforn président de la fédération du MRAP et Daniel Salhorgne trésorier fédéral étaient présents à cette réunion.

Intervention du MRAP : reprise de la contribution écrite et des interventions en séance.

1) La lutte contre les discriminations :

Les discriminations sont un cancer qui ronge le pacte social.
Il est beaucoup plus difficile d’accéder à un loisir, de trouver un logement ou en un stage quand on est fils et filles de l’immigration.

Constat alarmant : la parole se libère peu 

Notre pratique révèle que la parole se libère peu. Les cas de discriminations ne remontent que rarement.

La discrimination est vécue comme une blessure psychologique qui peut être exprimée mais trop souvent intériorisée.

Nous constatons que des personnes qui depuis de longs moins sont suivies par le MRAP pour des motifs administratifs n’évoquent qu’au fil d’une discussion, les discriminations réelles ou ressenties qu’elles ont intériorisées jusque là. L’humiliation est trop refoulée mais laisse des séquelles profondes individuelles mais aussi collectives.

La parole ne se libérera pas tant que la problématique de la « lutte contre les discrimination  » ne sera pas intégrée, ceci dès le plus jeune âge, dans l’éducation scolaire ou péri-scolaire.

Ceci suppose des outils adaptés à tout âge et implique de renforcer les partenariats, pour l’action de terrain, entre tous les acteurs qui ont affaire à la jeunesse  : Services d’État, Police, Éducation Nationale, associations péri-scolaires, associations anti-racistes mais aussi anti-sexistes et anti-homophobie.

Il devient nécessaire d’aider la jeunesse à décrypter aussi ce qu’est une discrimination réelle, et ce qu’est une discrimination ressentie mais non réelle.

La lutte contre les discriminations impose de prendre en considération plusieurs phénomènes : Le déni ou la sous-estimation mais aussi l’exploitation communautariste :

Déni ou sous-estimation

  • - Quand une discrimination avérée ne rencontre pas la réponse adaptée du dépôt de plainte et qu’une main-courante est proposée à la victime.
  • - Quand des fonctionnaires, des personnels, voire des élus, introduisent leur propre subjectivité devant les victimes, lors du traitement des dossiers et s’investissent d’un rôle qui n’est pas le leur, alors que seul le droit doit primer.
  • - Quand la sanction d’une discrimination donne lieu à une réponse à minima en terme de composition pénale. Les victimes se sentent alors frustrées car celui qui libère sa parole, si les faits sont avérés, a besoin que cette parole soit pleinement reconnue devant la société, devant un tribunal et non pas dans la confidentialité d’une composition pénale ou médiation qui apparaît comme une demi-mesure à ses yeux.

Sous-estimation des discriminations institutionnelles }

- Le droit de vote aux élections locales, outre qu’il permettrait de mieux insérer beaucoup de nos citoyens dans la vie républicaine, donnerait à leurs enfants ou petits-enfants, l’exemple d’une pleine intégration des familles concernées dans la vie républicaine.

- Les contrôles policiers au faciès, s’ils affectent très marginalement notre département, sont des réalités prégnantes dans nos grandes villes. La jeunesse même dans les zones peu concernées comme la nôtre, a cependant connaissance de ces phénomènes qui minent la confiance dans la République. Notre fédération reste attachée à l’idée de récépissés lors des contrôles.

Cas particulier de zones géographiques comme les Landes, département peu peuplé, avec des villes moyennes, où existent de forts rapports de proximité  :

Les élus, les fonctionnaires d’État qui peuvent connaître personnellement l’auteur d’un fait discriminatoire ou raciste, ont parfois la tentation de s’auto-saisir d’un rôle de conseil pour aplanir les conflits. Cette auto-saisine d’un rôle de médiateur est un phénomène humain mais engendre un sentiment d’injustice pour les victimes qui ont l’impression d’une volonté d’étouffer les faits.
Ce sont des faits constatés par le MRAP des Landes.

Exploitation communautariste  :

Le communautarisme est multiforme :

  • un communautarisme dominant qui exclu avec un enfermement sur de supposées « racines judéo-chrétiennes « 
  • des communautarismes minoritaires qui se nourrissent de l’exclusion .

Quand la société ne donne pas toute leur place à beaucoup de nos jeunes, en fonction de leur origines ou couleur de peau, ils se replient parfois sur des identités reconstruites souvent artificiellement, notamment religieuses.

Des groupes marginaux , par le biais d’internet et les réseaux sociaux, exploitent cette relégation sociale et engendrent la confusion et font passer des règles de droit (exemple loi 2004 sur les signes religieux) ou encore la liberté d’expression (caricatures de Charlie) comme des phénomènes discriminatoires ou racistes.

Ceci soulève le problème du statut de victime qui correspond à des critères objectifs et celui de la victimisation qui peut-être exploité à des fins politiques ou religieuses dans un contexte d’insuffisante prise en compte des discriminations réelles.

Les associations qui ont affaire aux publics concernés, (celles qui ne cèdent pas à la démagogie du relativisme culturel), parce qu’elles ne sont pas les représentantes d’un pouvoir, sont parfois les mieux à même d’être écoutées pour démonter les instrumentalisations communautaristes car elles savent aussi dénoncer le communautarisme dominant qui engendre les discriminations.

2) Le nécessaire renforcement de la formation des personnels.

Les personnels des services divers, publics ou privés, qui ont affaire aux publics fragilisés du fait de leurs origines ont souvent un déficit de formation.

L’introduction de la subjectivité dans le traitement d’un dossier qui requiert de la rigueur administrative a des effets désastreux. Les abus sont rares mais réels et sont dévastateurs.
- exemple  : il n’appartient pas à un personnel municipal d’état-civil ou autre fonctionnaire de laisser planer un doute sur la régularité d’un mariage.
Le traitement du doute ne doit appartenir qu’aux seuls fonctionnaires habilités et formés.
Il leur appartient à tous d’accueillir les personnes fragiles avec courtoisie, notre fédération a eu connaissance d’attitudes regrettables, marginales mais malheureusement réelles.

Le déficit de formation dans la connaissance du droit, notamment celui du droit des étrangers.

Ce droit est très évolutif, les personnels n’ont pas toujours connaissance de l’évolution des textes, ce qui engendre des atteintes au droit, notamment dans les services sociaux. Notre fédération doit souvent assurer des médiations pour faire respecter ces droits, ce qui évite les judiciarisations. L’intention des personnels n’est pas de nuire, mais leur déficit de formation introduit des atteintes aux droits de personnes.

De ces injustices, même involontaires, naissent des blessures et l’impression de ne pas être assez reconnu par la République comme citoyen à part entière.

Le MRAP a rappelé toute l’importance cette formation.avec les cycles de formation qu’il a organisé pour les assistantes sociales du Conseil Général, de l’ Éducation Nationale et divers organismes intervenant auprès des publics confrontés à des difficultés dues à leurs origines.

Le mouvement a insisté sur le nécessaire renforcement de ces formations et de la collaboration renforcée qu’elle induit entre les divers services et le mouvement afin d’apaiser les tensions et les atteintes au droit qui peuvent résulter de leur méconnaissance.

3) Donner les moyens aux associations .

Il convient de signaler la dégradation de la situation des associations citoyennes qui luttent contre le racisme et les discriminations.

Dans une période critique où l’on assiste à la montée des intolérances et des thèses d’exclusion, la baisse des moyens handicape lourdement les associations de terrain  :

- les suivis individualisés, les conseils, les médiations entre usagers et services , les permanences ouvertes aux publics sont directement menacés, surtout pour les associations indépendantes des rouages des collectivités locales ou territoriales.

- les actions de terrain, fêtes, rencontres interculturelles, espaces de convivialité, sont rendus plus difficiles. Avec la restriction des crédits, Il devient difficile de louer une sonorisation, assurer la communication, informer le public....

- la fabrication d’outils d’interventions scolaires et péri-scolaires (vidéos, plaquettes d’intervention, matériel de sensibilisation) devient très difficile et cela nuit à la qualité des interventions.

4) Promouvoir la laïcité   :
C’est là un problème très sérieux auquel la fédération des Landes prête une grande attention.

  • Ne pas céder aux pressions communautaristes
  • Ne pas céder aux atteintes aux droits des croyants

La fédération des Landes du MRAP est attachée à la laïcité et ne procède pas d’un relativisme culturel qui reviendrait à remettre en cause certains fondamentaux laïques.

Elle est ainsi très attachée à la laïcité de l’école qui doit échapper aux prosélytismes religieux ou politiques. Si les conditions d’adoption de la loi de 2004 avaient pu faire débat, cette loi s’est imposée à tous avec l’assentiment de la majorité des croyants eux-mêmes, il est donc inutile, pour le MRAP des Landes, de raviver un débat qui relancerait les tensions et porterait tord à des musulmans qui n’ont rien demandé, hormis des groupes marginaux..

Mais les pressions s’exercent émanant de secteurs minoritaires religieux ou politico-religieux pour remettre en cause cette laïcité . Afin de préserver la laïcité il importe de lutter plus efficacement contre les atteintes aux droits des croyants hors de l’école ou des services publics.

Les musulmans sont soumis aujourd’hui à des atteintes à leur droits, dans la rue ou dans l’accès à des services, c’est un problème grave.
Il convient donc de renforcer l’information du public  : nul n’est habilité hormis les cas prévus par la loi, à restreindre le droit des croyants, que ce soit au niveau vestimentaire ou social.

C’est ce respect du droit hors les services publics qui permettra de mieux assurer l’application du droit dans les services publics eux-mêmes.

Il apparaît nécessaire notamment auprès des plus jeunes qui peuvent être soumis à des pressions multiformes par les réseaux sociaux, de rappeler les fondamentaux de la laïcité, l’histoire de la laïcité, l’acceptation du droit à la liberté d’expression, celle du débat contradictoire, de la critique, de la caricature, quand bien même ces expressions heurteraient les convictions personnelles.

Cela implique d’associer tous les partenaires qui s’inscrivent dans cette démarche laïque et de les aider à fabriquer des outils d’intervention, films, exposition, argumentaires pour diffusion auprès de la jeunesse.

La encore le MRAP des Landes souhaite renforcer sa présence en milieu scolaire et péri-scolaire, mais doit être aidé pour cela, ce qui renvoie à la question des moyens .

5) Lutter contre la concurrence des mémoires et la hiérarchisation des racismes là où la lutte contre tous les racismes s’impose  :

la concurrence victimaire  

La concurrence victimaire est un phénomène grave qui affecte deux racismes parmi les plus inquiétants de la période, outre le racisme qui affecte les Roms.
Ainsi la concurrence entre le racisme anti-musulmans et l’antisémitisme  :

Ceci sous les effets conjugués  :

  • - de l’instrumentalisation du conflit du proche-orient
  • - de la segmentation du racisme par les organisations communautaires
  • - du traitement parfois différencié, par les institutions officielles, des différentes formes de racisme, ce qui entretient l’impression d’un « deux poids deux mesures  ». vécu comme une injustice, notamment par ceux qui vivent le racisme anti-musulman

L’Etat doit donner l’exemple d’une non-hiérarchisation des racismes

Il est aujourd’hui fondamental de donner aux associations universalistes les moyens d’intervention auprès de la jeunesse soumise aux pressions croissantes des secteurs communautaristes qui trouvent dans les réseaux sociaux des leviers nouveaux pour introduire le germe de la division et des conflits communautaires.