Cour d’appel de Pau le 14 mars 2017 : Le racisme d’un « marteauthérapeute "
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Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un emprisonnement d’un mois à un an et d’une amende de 2 000 F à 300 000 F ou de l’une de ces deux peines seulement. »
Loi du 1 juillet 1972
La question est posée cette loi est-elle devenue caduque ?. Les propos racistes, émanant parfois de personnalités politiques éminentes, les propos racistes du quotidien dans la rue et les lieux de vie et surtout la croissance exponentielle des contenus racistes sur internet sont une offense à la loi de 1972 et font douter de son respect. Il est temps que les représentants de l’Etat se saisissent de ce problème grave. La loi doit s’appliquer pleinement contre la multiplications et actes racistes.
Nous réactualisons ci-dessous notre article antérieur relatif à un fait grave commis à Biscarrosse. Alors que les faits étaient caractérisés le tribunal n’avait pas retenu les réquisitions du ministère public et relaxé l’auteur des faits graves.. racisme avec arme.
Fort heureusement le procureur de la république a fait appel. L’affaire sera jugée le 14 mars prochain à la cour d’appel de Pau.
Rappel des faits
Karim a vécu le pire dans le pays de sa naissance la Sierra Leone. A quinze ans Il a choisi la France pour atténuer ses plaies et y refaire sa jeune vie.
Pendant 4 ans il a subi les brimades racistes quotidiennes d’un supérieur hiérarchique.
Un procès s’est déroulé le 19 janvier 2016 à Mont de Marsan devant le tribunal correctionnel, le délibéré sera rendu le 16/02 a débouté les parties civiles.
Que retiendrons-nous de ce procès où Karim et le MRAP40 étaient parties civiles
1) La confirmation de faits racistes tels que mentionnés dans plusieurs témoignages,
2) Racisme de beauf et défense rigolarde,
3) Le racisme aggravé d’un « marteauthérapeute » ayant autorité sur sa victime,
4) Une « blague » raciste qui s’inscrit dans un rapport de domination hiérarchique
5) Un contexte raciste évident,
6) Une défense qui laisse un profond malaise
7) conclusion
1) La confirmation de faits racistes tels que mentionnés dans plusieurs témoignages et rappelés durant l’audience
- - des propos racistes récurrents : "sale noir"… "j’aime pas les noirs"… "le noir"… etc..
- - des tapes sur la nuque… régulièrement !. Lors de sa déposition auprès de la gendarmerie l’accusé qualifiait d’ailleurs ces gestes de « marteauthérapie » pour aider sa victime « à s’améliorer ».
- - des « bises » aussi… sur le front, « comme on fait à un enfant » précise l’accusé.
Ces "bises" lui auront valu la question de la Présidente du tribunal concernant l’âge de la victime qui recevait les "bisous" sur le front.
Insultes racistes, « marteauthérapie » et « bisousthérapie » l’accusé avait sans doute bloqué ses neurones sur l’heure du petit déjeuner et son bol de « y’a bon banania », jusqu’au jour où, sur le parking, il sortit un fusil du coffre de sa voiture, prit une cartouche, chargé son fusil et tira en l’air.
Certes la victime n’était pas dans la ligne de mire comme au bon temps des colonies lorsque l’on entendait "les cris des indigènes autour des plantations quand les colons facétieux essayaient après dîner leur carabine à répétition." (Jacques Prévert).
Il faut vivre avec son temps ! l’accusé est civilisé… un peu ! il n’a pas voulu tirer dans le tas !, il a juste effrayé le « noir » qui était là, une « flingothérapie » côtière sans doute !.
« Le noir » c’est Karim ce jeune homme qui porte en lui le traumatisme des armes en Sierra Léone quand son père fut tué dans son champ par les bandes armées et que sa mère agonisait dans ses bras. Alors les plaies psychologiques se sont ré-ouvertes sous l’effet de la détonation et de la peur.
2) Racisme de beauf et défense rigolarde :
Les témoignages ayant attesté de la véracité des faits, insultes racistes, marteauthérapie et tir en l’air, la défense a donc choisi le terrain de la blague potache et du droit à l’humour pour expliquer les faits inexcusables.
Elle a même appelé les humoristes de Charlie assassinés à la rescousse de son client.
Il fallait oser comparer « l’humour » du « marteauthérapeute » avec celui de "Charlie"… la défense a pourtant osé ce 19 janvier à Mont de Marsan.
L’indécence fut au rendez-vous quand, tournant le dos au tribunal, cette même défense a échangé une plaisanterie avec son client qui s’est alors « bidonné » confondant le public d’un prétoire avec celui des « grosses têtes ».
Ce visage hilare alors que l’on traitait de racisme, de violences et d’armes, a prouvé que décidément l’accusé n’avait rien appris. Par miracle la victime ne regardait pas le visage pouffant de l’accusé, c’eut été une nouvelle violence subie dans l’enceinte du tribunal.
3) Le racisme aggravé d’un « marteauthérapeute » ayant autorité sur sa victime.
La défense a cru bon servir son client en affirmant que certains des collègues de Karim auraient tenu des propos racistes sans avoir fait l’objet d’une plainte de sa part.
C’est là toute la différence entre le racisme horizontal et le racisme vertical qui s’inscrit dans un rapport de domination structurelle. Le premier, même condamnable par la loi, peut se sanctionner par une mise au point ferme entre collègues et plus si répétition, les deux protagonistes étant alors dans un rapport d’égalité. Mais dans le racisme vertical, le "racisant" a un pouvoir hiérarchique sur le « racisé », il abuse d’une position d’autorité et impose son racisme à une victime fragile qui craint pour son emploi, surtout quand il s’agit d’un CDD, et que la victime est en position statutaire encore fragile.
Karim a rappelé au tribunal cette peur de perdre son emploi.Quand la victime d’un acte raciste est privée de toute possibilité individuelle de défense, c’est alors à la justice de prendre le relais pour lui apporter le soutien de la société en sanctionnant l’auteur des faits.
4) Une « blague » raciste qui s’inscrit dans un rapport de domination n’est que du racisme, pas de l’humour !.
L’humour sur les origines, la couleur de peau, le sexe ou le handicap, n’est possible qu’entre partenaires d’accord pour le pratiquer, ou lorsque l’auteur de l ’humour donne à ses interlocuteurs les grilles de lecture pour en décoder le second degré.
Entre Karim et son supérieur, ce n’était pas de l’humour partagé. Les codes de décryptage ne faisaient pas partie du contrat de travail. « L’humour raciste » du « « marteauthérapeute » était imposé et unilatéral, C’était du racisme primaire sans équivoque possible.
5) Un contexte raciste évident.
La défense a tenté de prouver que l’épisode du fusil ne n’inscrivait pas dans un contexte raciste avec volonté de nuire, toutes les dépositions démentent cette affirmation.
Ceci fut d’ailleurs démontré par le ministère public, car si nous regrettons la faiblesse de la réquisition (3 mois avec sursis et retrait du fusil pendant 3 ans !), la démonstration fut faite d’un contexte préalable et d’un processus qui partant de « blagues » racistes de comptoir aboutissait à une violence raciste avec arme .
Mais indépendamment du contexte préalable, il y eut le contexte raciste du jour.
Karim est formel sur ce point : le tireur a désigné « le nègre « comme cible de l’agression , mais il y a eu un autre propos raciste.
Si les témoignages diffèrent sur l’origine de la saillie raciste qui fut proférée « tire dans les pieds » tous s’accordent sur la réalité de celle-ci.
D’ailleurs personne dans l’enceinte du tribunal n’a remis en cause cette phrase . L’accusé lui-même « ne savait pas qui l’avait prononcée » et ne l’a pas contestée.
Cet appel à « tirer dans les pieds », (les pieds de Karim) précédait donc le tir final et atteste que le tireur savait dans quel contexte raciste il tirait.
Contexte raciste préalable, contexte raciste le jour du tir en l’air, l’accusé pourra difficilement nous prouver qu’il visait simplement une palombe égarée au dessus du parking.
6) Une défense qui a laissé un profond malaise.
Un autre élément a laissé un profond malaise lors de ce procès. La défense a harcelé la victime avec une extrême agressivité portant sur des faits qui n’avaient rien à voir avec ceux qui avaient amené l’accusé devant les juges.
Elle attaquait avec virulence Karim sur ses compétences professionnelles, ses loisirs, son arrêt de travail post-traumatique , il s’agissait de mettre en cause la victime sur des éléments extérieurs à la procédure.Ce fut un moment douloureux pour Karim. Là encore nous avons pensé au sexisme, à ces femmes violées qui, il y a quelques décennies encore, devaient subir l’inquisition de questions visant à renverser les responsabilités... n’avait-elle pas provoqué le violeur, comment était-elle habillée, quelles étaient ses fréquentations ?. C’est un harcèlement du même type qu’a subi Karim , il s’agissait de le déstabiliser pour le faire passer du statut de victime à celui de coupable.
7) En conclusion,
Malgré la volonté d’engluer les faits, dans les effets de manches rigolards, malgré la décontextualisation de l’épisode du fusil, malgré les scories d’une plaidoirie hors sujet, il reste le droit qui ne peut se prononcer que sur la réalité des faits consignés dans les témoignages de Karim et de plusieurs employés, ainsi que dans les dépositions auprès des gendarmes (eux-mêmes mis en cause par la défense !).
Les faits sont inscrits dans cet engrenage, plusieurs années durant , d’un racisme répétitif de beauf . Cela s’est terminé par la sortie d’un fusil comme au bon temps des colonies quand le « nègre » subissait alternativement « les coups de pied au cul », la « martheauthérapie », le paternalisme condescendant et raciste », mais aussi le fusil du colon.
Nous faisons confiance à la justice pour juger sur ces faits.